Il est sans contexte l’un des artistes du Tout monde. L’expression empruntée à Edouard Glissant, semble avoir été pensée pour designer des créateurs comme le Camerounais Barthelemy Toguo, dont les œuvres voyagent et résonnent bien au-delà des frontières géographiques et culturelles. Après plusieurs semaines de résidence à Yoshino, dans le sud du Japon, il a dévoilé, le 18 avril dernier, sa nouvelle exposition « Beauty of Nature », à découvrir jusqu’au 29 juin à la galerie Space Un de Tokyo.
Dans ce nouvel espace tokyoïte dédié à l’art contemporain africain et aux échanges culturels entre le Japon et les pays du continent, l’exposition de Barthelemy Toguo à Tokyo se déploie comme un dialogue subtil entre l’artiste, ses influences, ses sensibilités, et le Japon, ses divinités, sa végétation luxuriante et son artisanat d’exception.
Beauty of Nature est une immersion dans un cycle puissant de huit œuvres réalisées sur papier washi sur lesquelles Toguo a choisi de représenter des divinités japonaises de la nature. A ces figures spirituelles s’ajoute une série de céramiques poétiques, façonnées par les rythmes du paysage et de la culture de Yoshino. De quoi se plonger dans un ensemble de travail remarquable et fascinant qui prolonge l’exploration que mène l’artiste depuis des années autour de la nature, dans une approche profondément humaniste, écologique et symbolique.
Quand la céramique devient rencontre
Les pièces en céramique nées de cette résidence sont le fuit d’une collaboration inédite avec un maître céramiste local. Les formes créées spécialement pour Toguo lui ont offert un espace d’expression nouveau et profondément authentique.
Dans l’atelier de production, s’est installé un échange sensible entre deux générations et presque deux mondes, réunis par une même humanité. Cette collaboration est aussi l’expression d’une puissante rencontre des techniques ancestrales du maître céramiste et de l’imaginaire contemporain de l’artiste camerounais. Véritable fusion entre un savoir-faire artisanal séculaire et une vision artistique audacieuse.
A Yoshino, l’artiste a également trouvé un écosystème singulier. « C’est un lieu très dense où la nature et la végétation communiquent. » confie-t-il dans une vidéo diffusée par Space Un. Des rayons de soleils, aux rivières, des montagnes aux bruissements du vent, ce village lui a offert une reconnexion intense aux éléments de la nature qu’il affectionne tant, loin du tumulte de la vie urbaine.
Un art en résonance avec le Tout-Monde
Son œuvre, ici encore, témoigne de cette volonté constante d’explorer les liens profonds entre l’humain et le vivant. Sans s’y référer directement, elle semble faire écho à la pensée du Tout-Monde d’Édouard Glissant : un monde en relation, en archipel, où les identités se composent, se répondent, s’hybrident, loin des cloisonnements et des hiérarchies imposées. Et chez Toguo, l’art devient traversée, dialogue et rencontre. Un espace de réenchantement possible du monde.
De Bandjoun à Tokyo, de l’encre au feu, de la divinité au végétal, Barthélémy Toguo trace une cartographie sensible d’un monde habité, interconnecté et résolument vivant.
Vernissage de l’exposition « Beauty of Nature » de Barthelemy Toguo à Tokyo. Crédits photo: Barthelemy Toguo Facebook & Space Un.
