Disparition : Koyo Kouoh, « ne jouera plus de sa carte noire à Venise »

by Meryll Mezath


Décédée à 57 ans, Koyo Kouoh était la fondatrice du centre d’art RAW Material Company à Dakar, et la directrice du prestigieux musée Zeitz MoCAA au Cap. Désignée, en décembre 2024, commissaire de la Biennale de Vénise 2026, elle incarnait l’une des plus belles réussites du paysage culturel africain contemporain.

« Elle ne jouera plus de sa carte noire à Venise qui lui avait donné une carte blanche » peut-on lire sur facebook parmi les nombreux hommage rendus à Koyo. Un clin d’oeil à celle qui, il y a encore quelques semaines, affirmait jouer de sa « carte noire » à Venise.

Grande figure de l’art contemporain africain, Koyo Kouoh était une architecte de pensée. Une résistante culturelle comme en ont voit rarement sur le continent. La première partie de sa vie aurait pu la prédestiner à une carrière dans la finance. Elle fait des études d’administration bancaire avant d’être saisie de passion pour ce qu’elle qualifiait de « choses de l’esprit » pour ne pas parler de créativité.

En 1995, Koyo Kouoh séjourne à Dakar pour la première fois et rencontre Issa Samb, lui aussi grande figure du paysage artistique sénégalais. Elle est frappée par le travail et la personnalité d’Issa, qui devient alors un mentor et l’accompagne dans son développement professionnel et intellectuel.

« Savoir poser le regard est une vraie intelligence »

Si son décès a profondément bouleversé le monde de l’art contemporain et au-delà, c’est parce que Koyo défendait les artistes avec but et conviction. La photographe et curatrice Aida Muluneh, a souligné sur instagram : « Koyo était à nos côtés entant que sœur, mentor, mère, amie et championne indéfectible ».

Jointe par Africa Lisapo, la commissaire d’exposition Louise Abomba a évoqué le souvenir de celle qu’elle a reçue dans son programme Art sous le manguier : « Elle m’a dit il y a bientôt deux ans : Louise, savoir poser le regard est une vraie intelligence. Elle faisait allusion au fait de détecter les talents, d’être sensible au travail des artistes »

Ce qui caractérisait Koyo c’était son amour viscéral pour l’art africain et son engagement indéfectible aux côtés des artistes avec qui elle travaillait. Elle se préoccupait autant de les défendre que de former les futures générations de professionnels de l’art sur le continent. « Je travaille à redéfinir la personnalité africaine contemporaine à travers les débats et les idées que l’art contemporain apporte et à créer des espaces de liberté créatrice pour les penseurs, avec comme motif permanent les joies et les complexités de l’identité noire. » disait-elle.

Koyo Kouoh

Une bâtisseuse visionnaire

En 2008, elle fonde Raw Materia Company, une plateforme communautaire dédiée à la recherche, le développement et à la promotion de l’art, la connaissance et la société, dont elle assure la direction artistique jusqu’en 2019. Sa vision et ses contributions aux discussions internationales sur l’art l’imposent comme une voix majeure. Celle d’une bâtisseuse visionnaire. « J’essaie de contribuer à une compréhension nouvelle du potentiel qu’ont les organisations artistiques à façonner leur environnement. » déclarait-elle.

A la tête du Zeitz MOCAA depuis 2019, elle a soutenu activement des artistes africains et ceux issus de la diaspora, notamment Otobong Nkanga, Johannes Phokela, Senzeni Marasela, Abdoulaye Konaté, Tracey Rose et Mary Evans.

Parmi les expositions majeures qu’elle a organisées, on compte When We See You, actuellement présentée au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles jusqu’au 10 août 2025. L’exposition questionne la façon dont les artistes d’Afrique et de ses diasporas ont représenté la vie quotidienne au cours du siècle dernier. A travers 150 œuvres, When We See You « offre une vision riche et nuancée de la vie et de la pensée panafricaine, soulignant la résilience, l’essence et la charge politique de la gaieté panafricaine. »

Cette vision allait sans doute transparaître durant l’édition 2026 de la Biennale de Venise. Réagissant à sa disparition, Tamandra Geny, nouvelle directrice du musée Mucat, institution ivoirienne dédiée à l’art contemporain, a confié : «Evidemment que c’est un choc. D’autant plus que sa nomination à la tête de la biennale était un bel horizon que nous contemplions avec admiration et soif d’ambition ».

Ce sera une biennale sans Koyo, mais sans doute avec quelque chose d’elle.

Meryll Mezath

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