La production littéraire africaine est foisonnante, du nord au sud et d’est en ouest. Des œuvres publiées avant les indépendances aux créations contemporaines, certains romans ont marqué l’histoire littéraire pour leur truculence, la beauté de l’écriture et la singularité des sujets abordés. Voici une sélection de cinq romans à lire ou relire absolument en 2025.
Ngando de Paul Lomami-Tshibamba
L’écrivain Paul Lomami-Tshibamba signe avec Ngando publié chez Présence Africaine et aux éditions Lokolé un roman précurseur qui révolutionne l’écriture africaine. Cette fiction narrative suit les aventures de Musolinga, jeune écolier buissonnier emporté par un crocodile vers une île mystérieuse.
Entre réalisme et merveilleux, Lomami-Tshibamba transforme le conte oral en roman moderne tout en critiquant le système colonial. Couronné du prix de la Foire coloniale de Bruxelles en 1948, Ngando demeure une œuvre charnière qui illustre le passage de l’oralité traditionnelle vers l’écriture romanesque.
Paul Lomami-Tshibamba, né à Brazzaville en 1914, a vécu de part et d’autre du fleuve Congo. Après ses études, en 1933, il enchaîne des expérience professionnelles comme rédacteur ou dactylographe à Léopoldville et dans le Bas-Congo. En 1945, il devient rédacteur au sein du journal La Voix du Congolais. Ses articles, sont des critiques acerbes de l’administration coloniale belge. Plus tard, il s’installe à Brazzaville où il est nommé à la tête de la Revue Liaison, réputé comme un tremplin pour de nombreux écrivains congolais comme Sylvain Bemba, Jeau Baptiste Tati Loutard ou Tchikaya U Tam’si.

L’enfant noir de Camara Laye
Chef-d’œuvre incontesté de Camara Laye, L’enfant noir demeure l’un des romans africains les plus universellement reconnus. Cette fresque autobiographique dépeint l’itinéraire initiatique du jeune Laye, de son village natal de Haute-Guinée jusqu’à son départ pour la France.
L’auteur révèle avec une poésie saisissante l’apprentissage auprès de son père forgeron-orfèvre, les rituels traditionnels, les premières confrontations avec l’école française, puis l’arrachement progressif aux racines familiales.
Publié en 1953 aux éditions Pocket, ce récit d’apprentissage a suscité des débats passionnés. Certains critiques lui reprochent un manque d’engagement politique et une écriture trop complaisante envers le lectorat européen. Originaire de Kouroussa, Camara Laye a consacré ses dernières années à collecter les traditions orales, donnant naissance à l’épopée romancée Le Maître de la Parole, un récit épique de Soundjata.

L’appel des arènes d’Aminata Sow Fall
Pionnière de la littérature féminine africaine francophone, Aminata Sow Fall propose avec L’appel des arènes aux éditions NEA une réflexion subtile sur les tensions intergénérationnelles. Son roman inverse les codes habituels : ici, ce sont les enfants qui défendent les valeurs ancestrales face à des parents aveuglés par une modernité de façade.
Le récit se concentre sur un fils passionné de lutte traditionnelle et de ses rituels musicaux, qui parvient à réconcilier son père avec les fondements culturels sénégalais. Cette inversion des rôles révèle avec finesse les contradictions d’une société africaine en mutation.
Née à Saint-Louis-du-Sénégal, Aminata Sow Fall mène de front carrière littéraire et responsabilités culturelles, après des études de lettres à Dakar et Paris. Son parcours d’enseignante puis de responsable culturelle nourrit une œuvre profondément ancrée dans les réalités africaines contemporaines.

La transmission d’Eugène Ebodé
La transmission est une réflexion puissante sur les legs de l’histoire africaine contemporaine. Au cœur du récit, un père agonisant demande à son fils de régler la dot de son épouse, déclenchant une quête identitaire bouleversante.
L’adolescent footballeur découvre progressivement les multiples facettes de ce père médecin des maquisards, acteur de l’indépendance camerounaise. Ce roman d’apprentissage paru dans la collection continent noir des éditions Gallimards explore avec justesse les contradictions d’une Afrique post-indépendance, oscillant entre héroïsme historique et désillusions contemporaines.
Eugène Ebodé, ancien international junior de football né à Douala, puise dans son expérience personnelle pour construire cette fresque générationnelle saisissante.

Loin de mon père de Véronique Tadjo
Véronique Tadjo signe avec ce roman publié chez Actes Sud, un récit profondément humain sur l’exil et le retour. Nina regagne une Côte d’Ivoire en crise pour organiser les funérailles paternelles, confrontée à un pays qu’elle a quitté depuis longtemps.
Isolée par la mort de sa mère et l’éloignement de sa sœur, elle navigue entre traditions familiales, pressions politiques et révélations sur la personnalité cachée de son père. Cette œuvre révèle avec acuité les défis de la diaspora africaine face au continent d’origine.
Tadjo, née à Paris d’un père ivoirien et d’une mère française, puise dans son parcours cosmopolite pour construire ce portrait nuancé des liens filiaux et géographiques.

Cette sélection témoigne de la vitalité et de la diversité de la création littéraire africaine. Leur relecture en 2025 offre une perspective enrichie sur les mutations du continent, entre héritage traditionnel et défis contemporains.
La rédaction